Monsieur Toussaint Louverture
Jonathan Ames raconte par le menu son alcoolisme. Comment ça lui est tombé dessus, insidieusement, genre « on me la fait pas, je gère, t’inquiète », et puis patatras : dépendance, pathétisme, expériences borderline (notamment la première scène très réussie), etc.
Alors quoi ? Ben on s’est clairement dit : en voilà un sujet en or pour la maison d’édition « Monsieur Toussaint Louverture* » pour son entrée dans le monde des petits mickeys. Alors on se lance confiant dans ce beau livre. Et… et rien. Pas grand-chose en fait.
Ce récit n’arrive pas au demi-poil du poignet de la jambe (la cheville donc) d’un Fred Exley (lisez – c’est un ordre – « Le dernier stade de la soif »). C’est linéaire, peu surprenant et somme toute assez convenu. Et pas follement angoissant. Aucune ellipse, tant dans le scenario que le traitement graphique de Dean Haspiel : rien n’est suggéré ni sous-entendu. Et que cela concerne la maladie du narrateur, ses peines de c… oeur ou ses deuils (aussi douloureux soient-elles), on a du mal à se dire que l’on tâte, ne serait-ce que de la pulpe des doigts, la proche banlieue d’un des grands paradoxes humains : la gueule de bois du génie.
Pour cela, lisez Exley, donc, Tesich (« Karoo »), James Crumley, ou regardez ces chefs d’œuvre que sont « Leviathan » ou « The Master ». Et côté BD, plongez-vous dans du Tomine ou du Mezzo et Pirus. C’est une autre manière, autrement plus formidable et subtile, d’approcher cette décharge publique que peut être le mal de vivre.
*oui, vous commencez à le savoir : on est complètement fan – avec tout ce que ça comporte de subjectif, désolé.