Flammarion
2022, élections présidentielles : le candidat Mohammed Ben Abbes, leader de « la Fraternité musulmane », est élu au second tour assez aisément grâce à une coalition contre le Front National. Si le pays semble enfin pacifié (Bayrou premier ministre !), l’élection des islamistes modérés entraîne petit à petit des changements importants (conversion à l’Islam des enseignants, polygamie autorisée, interdiction faite aux femmes de travailler, etc.)
Ce roman de politique fiction montre de manière vraiment intéressante – à travers l’évolution d’un prof de fac, François, quadra désabusé qui jugera opportun de faire des compromis pour « rebondir » à tout point de vue au sein de ce nouveau système politique – comment, pour différentes raisons (de bonne ou mauvaise foi : l’option du « moindre mal », la peur mais aussi peut-être un certain bon sens, allez savoir), on peut tous être capables de soumission, d’abnégation ou de reniement.
Comment peut-on parler de ce roman de la manière la plus neutre possible ? Avec tout ce dont il est chargé ? Tout ce que les médias lui ont immédiatement collé aux fesses (le fameux « ce livre m’a foutu la gerbe » d’Ali Baddou), avant même sa parution, ajoutant encore et encore du souffre sans comprendre que cette surenchère puérile ne faisait qu’alimenter l’islamophobie qu’ils dénonçaient ?
Lire ce livre, c’est comprendre que Michel Houellebecq n’a pas écrit un roman raciste, ni islamophobe. Tout d’abord car – faut-il continuellement le rappeler – c’est une FICTION ! Pas un essai, ni un récit. Et par ailleurs, parce que la responsabilité de tout un chacun (politiques et citoyens) dans la situation racontée est beaucoup plus soulignée que le résultat lui-même.
Alors en refermant « Soumission », on se dit que ce n’est qu’une histoire, ouf. Mais qu’avec tout ce tapage lamentable autour de sa sortie, on peut raisonnablement s’inquiéter que tout cela ne se réalise un jour, tellement notre société semble malade de publicité, d’identitarisme, de peur de l’autre. On veut du buzz, que ça claque un peu, que ça vende.
Il est sorti quand ce livre, déjà ? Le 7 janvier 2015. Ça ne vous dit rien ?
Tiens donc.
Tout cela dit, ce n’est pas le meilleur Houellebecq. On pourra lui reprocher d’user encore et encore de son habituel quadra pathétique et cynique, angle d’approche de la France contemporaine pourtant très puissant par son honnêteté, pour le coup très dérangeante, mais qui fonctionnait mieux dans « Extension du domaine de la lutte » ou encore « Les Particules élémentaires » et « Plateforme ». Par ailleurs, il manque dans « Soumission » cette petite chose presque métaphysique qui intégrait ses romans, a priori si terre à terre, dans une dimension assez vertigineuse, au sens propre. Où l’homme se retrouvait et se savait tout petit.
Comme quoi, si l’on pouvait s’attarder ne serait-ce qu’un instant sur la l’écriture, l’imagination, le style, il y aurait deux trois choses à redire sur « Soumission », mais pas ces bêtises qu’on a pu entendre ici ou là.
Christophe
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