Cornélius
3 volumes – série terminée
Doug, jeune homme à l’équilibre psychique inversement proportionnel à son état permanent de prise de tête (éveillé comme endormi), est à un tournant de sa vie : il s’éprend de la jolie Sarah qui partage son cours de photographie et réussit, au cours d’une soirée assez pathétique, à l’approcher. La miss, ce qui complique un peu l’affaire, est en rupture violente avec son ex psychopathe et ne semble pas non plus au meilleur de sa forme (petits cachetons pour dormir…)
Côté famille, chez Doug, c’est pas ça non plus : entre une mère absente et un père malade qui lâche complètement prise pour des raisons qu’on ignore, passant des heures dans le sous-sol en peignoir mauve à regarder hagard, vautré dans un sofa, des inepties à la télévision et à fumer clope sur clope, le pauvre garçon, et c’est un euphémisme, manque cruellement de repères rassurants et constructifs.
Tout cet environnement très instable, vous l’imaginez bien, va sérieusement perturber Doug. Charles Burns en auteur lynchien ultra talentueux va imposer au lecteur tout le long de ces trois tomes somptueux un tourbillon narratif et visuel hallucinant entre les cauchemars et la réalité glauque de son jeune héros inquiet et perdu.
Je vous en supplie : cramponnez-vous. Ne vous arrêtez surtout pas à la fin du premier tome (« Toxic »). Dans les deux suivants (« La ruche » et « Calavera »), Charles Burns donne suffisamment d’indices et dévoile petit à petit l’univers obsessionnel du jeune homme qui, les années passant, va devoir affronter ses fuites, sa lâcheté et son incapacité effrayante à ne pas devenir inexorablement ce qu’il semble pourtant rejeter au plus haut point… à savoir son propre père. Peignoir et canapé-lit miteux compris.
Après l’incroyable « Black Hole », Charles Burns nous est revenu au plus haut de sa forme pour nous proposer une œuvre suffisamment complexe, magistralement belle et à la fois (monstrueusement) claire et accessible sur les psychoses et les faiblesses de ce jeune homme qui s’ennuie et semble chercher refuge chez celle par qui l’absence assombrit encore plus ces trois tomes : sa mère bien entendu.
Une histoire somme toute banale, moderne et très très masculine. Pauvre de nous !
Un chef d’œuvre, mais vous aviez compris.