Curieux roman que ce récit à la fois très précis et impressionniste qui nous plonge peu à peu dans une société totalitaire inquiétante, dans laquelle quelques femmes réduites au rôle de reproductrices vivent une domestication sexuelle mécanique et ritualisée. C’est un roman à la fois très simple et au début un peu lent, mais qui monte en puissance et attache son lecteur tout en le laissant songeur.
Tous les rouages de la déshumanisation et de la peur sont présents, et le collectif est réglé comme du papier à musique, l’individuel n’existe plus. Le récit alterne des récits piquants – rendez-vous clandestins, soirées libertines, scrabble ou évasions -, et le quotidien d’une servante au voile écarlate. L’écriture est feutrée, comme les pas prudents et les mots retenus d’une femme qui n’a pas le droit d’exister, et à peine celui de se souvenir. Car derrière ce carcan et le pseudo ‘Defred’ vit un cœur de femme. Un corps. Une âme.
C’est à la fois banal et glaçant. Car ce ne serait ni la première ni la dernière fois qu’une société s’emploie à réduire en esclavage une frange de sa population, et l’impuissance de l’individu face à l’organisation qui l’oppresse nous étouffe page après page. Écrit en 1984, on peut lire La Servante écarlate comme un écho au féminin du célèbre roman d’Orwell. Les amateurs de ce genre de récit jugeront du réalisme de cette d’option futuriste dans notre société à la fertilité en chute. Les défenseurs des droits y liront un Black Mirror du sort qui attend les femmes ou les déshérités ici ou ailleurs. Mais pour tous, ce récit peut d’abord laisser le sentiment d’avoir entendu le chuchotement d’une voix qui vibre malgré tout dans une société qui la nie.
C’est précieux.
Et pour ceux à qui il faudrait une séance de rattrapage, il y a même la série.
