Le tripode
Anguille est une jeune femme, accrochée à son bidon au milieu de l’océan Indien, dans l’archipel des Comores, entre les îles d’Anjouan et Mayotte. Elle va se noyer, c’est elle qui nous le dit. Mais avant, dans une langue digressive et urgente, alternant confessions, invectives et angoisses, Anguille voudrait raconter ce qui s’est passé, pourquoi elle en est arrivée là. Et notamment sa rencontre initiatique avec Vorace, le magnifique pêcheur, qui va la séduire en deux-quatre-six. Et la lycéenne de découvrir l’amour, l’alcool et les cigarettes, ces succédanés de liberté. Sa petite vie étroite avec sa sœur Crotale, qui semblait être la plus rebelle, et son père Connaît-Tout, qui porte, on le verra, très mal son nom, tout ce carcan familial va tanguer dangereusement. Vorace ne s’avérera pas être le prince charmant attendu et fantasmé, c’est le moins que l’on puisse dire. Et le fil du destin d’Anguille de se dérouler inexorablement…
Un roman ahurissant, où la longue prise à partie d’Anguille sur son interlocuteur imaginaire se fait sur le rythme houleux des vagues du canal du Mozambique. Ponctuée uniquement de virgules, cette logorrhée à la syntaxe imparfaite et libérée nous essouffle et nous affole tout autant que la pauvre Anguille sur son flotteur instable. Une histoire à la fois ultra contemporaine dans son approche dramatique de l’exil et semblable aux grandes tragédies classiques par son illustration intemporelle du patriarcat, du machisme irresponsable et du poids des traditions.
Anguille nous marque fortement.
Christophe
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