ZONE D’INTÉRÊT (La) – Martin AMIS

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 ★★★★☆ 

Calmann-lévy

1942. La zone d’intérêt, c’est le code nazi pour parler d’Auschwitz. Trois histoires, trois points de vue.
Tout d’abord, il y a Paul Doll, le commandant du camp qui doit faire des discours, prendre des décisions et gérer le camp en respectant les consignes qui arrivent de plus haut.
Il y a aussi Angelus Thomsen. Il est SS, grand séducteur et neveu du secrétaire personnel d’Hitler. Le jour où il croise Hannah, la femme de Doll, il tombe amoureux d’elle.
Et enfin, il y a Szmul, un déporté juif polonais qui a pour mission d’évacuer les cadavres des chambres à gaz afin d’échapper lui-même à la mort.

Le décor est planté. Mais contre toute attention, Martin Amis a pris un parti original et audacieux : celui d’utiliser des situations presque grotesques (si elles n’en étaient pas si obscènes) dans un cadre terrible pour permettre de réfléchir différemment. Pari amplement réussi.
Lorsqu’il s’agit de parler des petits tracas sexo-sentimentaux tournant autour des nombrils de Doll et Thomsen à l’ombre des crématoires, on mesure l’immense décalage de la situation, on trouve ça gonflé, dérangeant. Oui, bien évidemment. Mais n’est-ce pas là qu’Amis voulait nous emmener ? Vers ces personnages qui continuent leurs vies, malgré tout. Qui se posent bien 2-3 questions de temps en temps sur leurs actes mais qui sont tellement « endoctrinés » qu’ils passent outre.
N’oublions pas Szmul. Contraint de participer au génocide des siens pour sauver sa peau. Un récit poignant et déstabilisant présent pour rappeler, même si on ne l’oublie jamais lors la lecture, l’horreur du quotidien, la peur de mourir.
Martin Amis est un provocateur à l’humour cynique. Certes. C’est sans doute ce que n’a pas apprécié sa maison d’édition habituelle en France (Gallimard, pour ne pas les citer) comme en Allemagne. Mais Martin Amis a surtout du talent. Et ici, il dénonce cette période noire de l’humanité.
La zone d’intérêt est un livre réussi, qui pose question, qui dérange parce qu’il banalise le mal, qui met fortement mal à l’aise.
L’auteur a jugé utile d’ajouter une postface à la fois pour expliquer sa démarche et pour nommer les sources qu’il a utilisées. Il cite à de nombreuses reprises Primo Levi dont : « Peut-être ne peut-on pas ou, qui plus est, ne doit-on pas, comprendre ce qui s’est fait, car comprendre, c’est presque justifier. (…) il est sans doute désirable que leurs paroles (et aussi, hélas, leurs actes) nous restent incompréhensibles. (…) Le rationnel est totalement absent de la haine nazie.»
Lisons, informons-nous, méditons.

Karine
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