Albin Michel
Quelques années avant que n’éclate la Guerre civile américaine. Cora est esclave dans une plantation de coton, en Géorgie. Sa mère a déjà fui, elle ferait partie des très rares qui auraient réussi à gagner le Nord et la liberté. Les sentiments de Cora sont ambivalents : entre la fierté de ce que sa mère a fait et l’abandon cruel qu’elle a subi. Aussi quand Caesar, un autre esclave, vient lui proposer la botte, elle se décide de tenter à son tour l’évasion. C’est le début d’une fuite folle, Ridgeway le terrifiant chasseur d’esclaves à ses basques. Rebondissements cruels, espoirs ténus. C’est un pan ahurissant de l’histoire des Etats-Unis qui s’écrit devant nous, cette jeune démocratie qui s’est bâtie sur deux abominations : le massacre des autochtones et la servitude moyenâgeuse de populations noires d’Afrique.
On le sait, juste avant que la Guerre de Sécession n’éclate, seuls les Etats dits du sud autorisaient l’esclavage. Un réseau clandestin d’exfiltration existait alors vers le nord. Ce réseau avait pour nom l’Underground Railroad (« le chemin de fer souterrain »). L’audace (casse-tronche) de Colson Withehead dans ce roman est de matérialiser cette figure métaphorique, avec ses gares souterraines, ses voies à entretenir, la suie dans les tunnels, les chauffeurs. Et ça fonctionne. L’allégorie n’en est plus une et montre d’une certaine manière que même si l’auteur nous avait mis des navettes spatiales ou des animaux fantastiques, le destin abominable des esclaves aux Etats-Unis se serait suffi à lui-même pour nous affliger.
Facture classique, trame hyper romanesque sans perdre de sa crédibilité contextuelle, « Underground Railroad » est un roman fort.
Christophe
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