ARTICLE 353 DU CODE PÉNAL – Tanguy VIEL

 

 ★★★½☆ 

Les éditions de minuit

Mais pourquoi donc Martial Kermeur, lors d’une partie de pêche en mer, a balancé Antoine Lazenec le promoteur immobilier à la flotte ? Une fois le corps repêché par les pandores, Kermeur est très vite interpelé. Dans le bureau du juge, il dépose toute son histoire. Et le magistrat reste très attentif car ce qu’il entend (et donc ce que vous lisez) semble valoir son pesant de goémon.

Tout part d’une sordide mais ordinaire histoire de projet immobilier sur une presqu’île bretonne, au bord de la rade de Brest. Tout le monde est sous le charme : élus et administrés, et en avant petits fours et mousseux dans la salle du conseil municipal, on vend à Lazenec une ancienne propriété vite rasée pour construire une bien belle résidence ma foi (enfin la maquette est vraiment chouette). Même Kermeur, fraichement viré de l’arsenal, y passe toute sa prime de licenciement. Tout ça, oui, est bien banal. Sauf que, eh bien, l’immeuble, personne ne le voit sortir de terre.

Tanguy Viel réussit à rester plutôt juste et mesuré. Sous couvert de ce qui semble s’orienter vers une farce, il n’en oublie jamais circonstances et contexte. Et là, il n’y a clairement rien d’amusant. Donc si l’on sourit souvent aux propos de Martial Kermeur face à son juge, il y a toujours au détour d’un chapitre ou d’un paragraphe suffisamment d’émotion et de réalité pour nous rappeler ce monde, le nôtre, où ça coule du béton à tour de bras, ça chôme, ça s’ennuie et du coup ça picole pas mal, où les rêves des prolos se transforment en miroirs aux alouettes, en sinistres promesses de retours sur investissement. Et surtout – pire – où un fils ne comprend pas son père, et s’en éloigne silencieusement.

Petit bouquin intelligent et plutôt drôle.

Christophe
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