Paula Becker a été une jeune Allemande au tournant du XIXème et du XXème siècles, morte d’une complication liée à un accouchement à 31 ans. Et c’est bien « dommage » de partir si tôt, comme elle l’a dit elle-même : « Schade ». Tout est dans ce petit vocable. Voilà une femme qui aura tout fait en si peu d’années pour vivre, être « [elle] de plus en plus », éviter au maximum les pesanteurs et inerties sociales (mariage, enfants…) et puis surtout : peindre ! Alors quand elle comprend que c’est fini, elle trouve ça « dommage ». A l’instar de Marie Darrieussecq, pour qui ce « Schade » fut le réel déclencheur de son besoin d’écrire sur la vie de Paula Becker, je trouve rassurant et beau ce besoin de vie face à la mort inéluctable. Il lui restait tant à faire. Mille fois créer, peindre, vivre à Paris, que de s’embourber à tenir une petite famille. Et voyez plutôt l’œuvre de Paula Becker ! Je suis certain que ça va vous chatouiller, alors imaginez un peu à l’époque. Elle anticipait l’expressionisme, cet art considéré par les nazis comme « dégénéré », et même le cubisme et l’impressionnisme.
Marie Darrieussecq s’en sort bien avec son histoire. Sa curiosité est communicative. Je dirais même plus qu’on touche là au désir, celui d’un auteur pour son sujet. Et elle a foutrement raison tant la « vie de Paula M. Becker » est un bras d’honneur aux pisse-froids, aux gardiens de la morale et aux artistes frileux de tout temps figés comme des galantines dans un frigo de cantine. Si elle n’évite pas quelques faiblesses (à vouloir trop faire du Emmanuel Carrère, on se perd, dicton du jour ! Cf. l’épisode du camping-car), sa prose et son regard sont suffisamment fins pour rendre le meilleur des hommages à Paula Becker, comme un rappel à l’ordre à nous, médiocres et ronchons petits Européens du XXIème siècle : « Etre ici est une splendeur » (vers de R. M. Rilke, qui fut l’ami de P. B.).
Christophe
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