La fosse aux ours
Plusieurs années ont passé depuis le conflit en ex-Yougoslavie. Pavle, qui vit désormais en Argentine, est revenu enterrer son père en Serbie. Ce fut l’occasion de retrouver Jovan, auprès de qui il a combattu. A son retour à Puerto Madryn, les deux hommes s’écrivent. Si les premières lettres sont polies, distantes et prévenantes, le ton change petit à petit, au fur et à mesure que les souvenirs de guerre reviennent dans leurs échanges. Un en particulier : celui d’une maison en flamme, d’une femme. Avec lui, les incertitudes, la culpabilité et l’ignorance. La sienne, et celle de l’autre. Qui sait quoi, réellement ? Les deux hommes tournent autour du pot, jusqu’à mieux comprendre. Mais connaître la vérité n’apporte pas forcément du réconfort.
Roman épistolaire et à quatre mains comme on dit bêtement. Dans sa construction, cette montée progressive de la tension latente, cette correspondance fait bien évidemment penser au célèbre « Inconnu à cette adresse » de K. Taylor. Mais les deux auteurs ont suffisamment de talent pour donner un caractère unique à leur roman. Et comme souvent quand on les lit, l’émotion et l’effroi glacent aisément notre moelle épinière. Ces deux-là ont toujours su nous raconter les individus perdus dans l’horreur contemporaine des conflits qui n’en finissent jamais, partout, les dénaturant, travestissant leur faiblesse en sauvagerie.
On pourra d’ailleurs reprocher à Choplin et Mingarelli ce qui ressemble de plus en plus à un cahier des charges. Tant qu’ils le remplissent à ce niveau, avec cette qualité, qu’ils continuent pour notre plus grand plaisir de lecteur. Et notre angoisse d’être humain.
Ah, une dernière chose. Grand jeu : à vous deviner qui est la voix de Pavel, qui est celle de Jovan. Même les plus grands amateurs de ces auteurs s’y sont perdus… A vous de jouer.
Christophe
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