Grasset
1980, Roland Barthes est mort. A sa sortie d’un repas avec le candidat Mitterrand et sa garde rapprochée (Lang, Badinter, Moati, Attali et Cie) il se fait renverser par une camionnette et meurt quelques jours plus tard sur son lit d’hôpital. Ça, c’est la réalité. Mais pour Laurent Binet, le grand sémiologue qui meurt juste après avoir partagé le pain, le vin et l’ortolan avec Mitterrand, c’est quand même trop tentant d’y voir… un meurtre. Mais qui a pu bien assassiner Roland Barthes ? Et pourquoi ? C’est pas sexy comme pitch ? Rassurez-vous, ce roman est très drôle (les 150 premières pages sont folles et tordantes), un vrai/faux polar complètement taré où vous croiserez BHL incognito en chemise noire, Philippe Sollers châtré, Foucault nu et heureux dans un sauna interlope, « une princesse carthaginoise de la photocopieuse » (!!), des Bulgares méchants qui roulent les « r » comme les Russes méchants dans « James Bond », des Japonais sympas, Dupont et Dupond dans une DS noire et aussi une Fuego bleu électrique. Entre autres.
Et c’est parti. Commissaire Bayard, qui n’est pas le plus grand progressiste de son époque – ex-appelé en Algérie, a voté Giscard en 1974 – se charge de l’enquête et se retrouve plongé dans des milieux qu’il exècre au plus haut point, truffés « d’intellos », « de gauchistes » et « d’invertis ». Il réquisitionne Simon, prof de fac à Vincennes et beaucoup plus au fait des ressorts de la sémiologie et de tout ce petit monde. Les deux acolytes, plus discordants que Mel Gibson et Danny Glover dans « L’arme fatale », comprennent rapidement que Barthes était en possession d’un document sur la « Septième fonction du langage » permettant à son heureux acquéreur le pouvoir vraiment magique d’influencer n’importe quel interlocuteur lors d’un débat ou d’une conversation. Le pouvoir ultime pour tout homme politique ou amoureux transi…
Mais à ne pas mettre entre toutes les mains.
Ça va partir dans tous les sens, vous l’avez compris. Si le rythme baisse un peu dans la seconde partie du roman (un poil long ?), Laurent Binet réussi l’amalgame de l’autorité et du charme, heu non, de l’érudition passionnante (on en apprend des choses !) et de la dérision. Les « vrais » BHL et Sollers ne sont pas les plus grands fans du bouquin. Pourtant Simon précise à la page 435 : « un personnage comme Sollers ne peut exister en vrai ». Nous sommes donc bien dans une fiction. « Ecco ! » comme dirait Umberto.
Christophe
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