Avec : Gaspard Ulliel, Jérémy Rénier, Louis Garrel
En 2014 c’est la guerre des « Saint Laurent » (est sorti également le film de Jalil Lespert), un peu comme avec « La guerre des boutons » en 2011, un même sujet deux films. On pourrait le regretter, je pense au contraire que, parfois, ça peut être très pédagogique. Surtout là, on a un biopic. Le cinéma de genre… casse gueule. La solution facile, dans le biopic, c’est la bio. On la reprend, on la scénarise, on grime un peu beaucoup l’acteur principal, et le tour est joué. On en a des charrettes tous les ans, suivez mon regard (« La Môme », exemple parfait, beurk). Et pour le coup avec ce « genre », l’auteur s’efface au service de la cause. Et c’est souvent artistiquement stérile.
Bonello, dont j’avais particulièrement aimé « L’Apollonide », s’aide de son sujet pour avoir un regard et un propos. C’est bien le moins.
La figure de Yves Saint Laurent ne l’intéresse pas pour son image, sa marque, mais pour ses entrailles, ses failles, sa chute. Et les années où l’on suit YSL (1967-1976) nous montrent un type perdu et génial, profondément intelligent et las, entouré, attendu, aidé comme on aide une vieille tante à mourir pour profiter de son bas de laine que l’on sait caché tout proche. Les serpents, image prégnante de ce film puissant, où je ne pourrai reprocher à son auteur et ses acteurs que quelque chose dont ils ne sont absolument pas responsables, à savoir cette ambiance d’une élite de noblions coupée du monde réel qui se morfond et intellectualise ses moindres petits pets de vie ; à d’autres époques révolutionnaires, on en a guillotinés pour moins que ça.
Passé ce sentiment d’agacement face à cette mélancolie masturbatoire très française (ouh le cliché !) je reconnais l’extrême finesse du travail de Bonello et de la performance de Gaspard Ulliel dans cette représentation saisissante du mal-être, couplée aux attentions très intentionnelles puis l’incompréhension révoltante de son entourage.
Je ne suis pas loin de la contradiction…
Christophe
