Plon
1976 en Argentine. La junte est au pouvoir. Chacun craint pour lui-même, pour sa famille, surtout si l’on n’a rien à se reprocher. Aussi Kaddish Poznan, véritable Hijo de puta, est chargé par certains Juifs « bien installés » de Buenos Aires d’effacer sur les tombes toute trace infâmante de leurs aînés disparus (prostituée, malfrats, etc.) Job qu’il partage avec son fils, Pato, 19 ans, contre son gré.
La tension entre le père et le fils monte progressivement. Plus que de logiques malentendus intergénérationnels, c’est un véritable fossé qui se creuse entre l’étudiant de 19 ans, qui lit Che Guevara, écoute Pink Floyd, et ses parents qui ont véritablement peur pour lui. Jusqu’au jour où il se fait kidnapper devant les yeux de son père. Juste après une dispute où ils se sont dits quelques paroles de trop (« Je voudrais que tu sois mort. – Je voudrais que tu ne sois pas né !« ). Vœu, du coup, atrocement exaucé.
On tombe alors dans l’effroi, l’absurde, car l’absence d’un enfant dont on n’a pas de nouvelles. Bienvenue chez Kafka en Argentine. On peut comparer la structure de ce roman au formidable Les Armées d’Evelio Rosero : où comment une histoire commencée sur un mode un poil burlesque, voire marrant, va basculer dans l’horreur. Celle qu’on ne peut maîtriser : la disparition d’un proche, d’un fils ici en l’occurrence. Est-il mort ? Où est son corps ? Est-il vivant ? Y aura-t-il une rançon ? QUI l’a kidnappé ? QUI peut nous aider ? Pour avoir des réponses, Lilian et Kaddish, les parents de Pato, vont devoir passer par le Ministère des affaires spéciales, monument kafkaïen d’humiliation administrative. Le style (la traduction ?) est parfois un peu confus. N’empêche pas le fait que ce roman (le 1er de Nathan Englander, auteur américain) soit très fort, jusqu’à la dernière ligne. La peinture de la dictature argentine du général Videla et de sa junte par la négation de l’individu jusqu’à l’absurde est redoutablement efficace.
Christophe
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