Monsieur Toussaint Louverture
Déjà, quand on s’appelle Benjamin Benjamin, on sent bien que le cours de son existence ne sera pas sans coups du sort. Et en effet. Notre ami vit seul, foutu dehors par son ex, et ce pour une raison qu’on imagine dès le départ assez tragique. Mais comme il faut bien vivre et que la fuite de tout n’a qu’un temps, Benjamin se retrouve, un peu par hasard, à s’occuper de Trev, jeune homme aussi handicapé physiquement qu’il a le caractère bien trempé voire cynique. Ces deux-là vont se trouver assez miraculeusement et faire (littéralement) un bon bout de route ensemble. Avec en ligne de mire le sort inéluctable qu’implique la maladie de Trev.
Si le personnage de Benjamin Benjamin rejoint par bien des aspects (pas forcément très flatteurs, mais ô combien intéressants) d’autres anti héros de parutions précédentes de chez « Monsieur Toussaint Louverture » (Jeremy Cook dans « Une putain de catastrophe », l’inoubliable Saul Karoo ou encore Albert Lippincott dans « Mailman »), l’histoire des « fondamentaux… » s’en éloigne par contre assez franchement. En effet, quelle ne fut pas ma surprise de voir cette singulière et si chère à mon cœur maison d’édition tomber elle aussi dans le panneau du « feel-good book », ce genre qui nous a fourni pléthore d’historiettes sensibles et dures à la fois, subtiles comme un tombereau Caterpillar et avec des morceaux de vrais gens et de vrais problèmes à l’intérieur pour que le lecteur, eh bien, il soit super mieux dans sa peau, la vie n’étant pas facile tous les jours. Comme si la littérature devait servir à ça. Autre débat que nous aborderons plus tard si vous le voulez bien.
Mais ouf ! Me voilà rassuré, le bouquin de Jonathan Evison reste heureusement bien au-dessus en orbite de la merveilleuse planète Gavalda. S’il n’évite pas quelques facilités narratives, les deux zouaves Benjamin et Trev étant tellement drôles, lucides et fracassés (vaincus ?), que tout ça arrive quand même sacrément mal à nous prouver que l’humanité se parfume avec un petit brin de muguet.
Ce livre nous montre que, nul n’étant parfait, et qu’ayant quand même bien le droit de se détendre un peu, « Monsieur Toussaint Louverture » ne publiera donc pas que des chefs d’œuvre inoubliables. Ce dont on commençait à sérieusement douter…
Christophe
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