L’olivier
C’est l’histoire de Lili, Française qui quitte veaux, vaches, famille, mec et terre natale pour… aller pêcher en Alaska. Hein ? quoi ? Oui, pêcher le flétan, la morue noire ou je ne sais plus trop quel poisson, et pas sur l’étang de Thau, non, dans les mers glaciales et démontées du grand nord américain. C’est déjà pas un boulot pour n’importe quel type un peu dans mon genre avec les épaules larges comme une tête de lit – heu, de lit de poupée – alors pour la frêle nana qui débarque, sans avoir un quelconque a priori sexiste, c’est quand même pas gagné. Mais la miss a un caractère bien obstiné, c’est le moins que l’on puisse dire, et rapidement, elle fait ses preuves, on lui fait confiance et elle va pouvoir partir sur le « Rebel » pour des campagnes de plusieurs jours. Si elle en chie à proprement parler (non, il n’y a pas d’autres mots) à se tremper de partout, se geler les doigts, s’écorcher, lutter contre le sommeil, bref à s’épuiser littéralement pour être « à la hauteur » du reste de l’équipage, c’est par cette lutte qu’elle va gagner sa place (et une couchette !) et le respect des autres. Des mecs, quoi.
Parmi eux, « le Grand Marin », ce type fascinant de force silencieuse, magnétique, le regard liquide, la barbe drue et un penchant pour la bouteille qu’on comprend aisément (enfin, je sais pas vous, mais moi je tiendrais pas sans quelques verres). Ce livre est aussi l’histoire de leur rencontre : « le Moineau » et « le Grand Marin ». Une étape primordiale qui ramènera Lili, qui en veut toujours plus, pêcher, retourner pêcher encore, comme une espèce de sacerdoce, de flagellation vitale, vers plus de réalité. Oui, tous ces gars qu’elle croise, repris de justice, immigrés illégaux, beaucoup d’entre eux n’ont tout simplement pas le choix. Et s’ils l’avaient, le choix, sûr que beaucoup d’entre eux se barreraient fissa de cet enfer humide et froid.
La dernière partie du roman (c’est un roman rappelons-le, cela dit c’est de notoriété médiatique – quel succès – que Catherine Poulain s’est très inspirée de son expérience personnelle) est un peu redondante, même si c’est cette partie du bouquin qui évite l’écueil du livre moral, du genre : comment pouvez-vous continuer à vivre dans votre petit confort occidental alors que moi, « Petit Moineau » je morfle gentiment sur un bateau glissant, roulant et froid ? Non Lili, d’une certaine manière (et l’auteur avec ?) revient un peu sur terre. On peut trouver ça triste, mais comme dirait Jean-Luc, ça se discute.
L’écriture est intéressante, sinon bonne. Le glossaire de l’éditeur est presque nul, voire inutile (quelques notes de bas de page auraient amplement suffit). Je ne dirais pas que c’est le choc annoncé, c’est donc en ce sens une certaine déception, mais elle est à relativiser grandement tout d’abord par l’audace folle de cette Lili et donc de son histoire, puis de son humilité qui finit par transparaître. Quelque chose d’unique, ça c’est certain. Rien que pour ça…
Christophe
retour à la liste de conseils romans