Le Seuil
1936 en Espagne, les insurgés franquistes se lèvent contre le Front Populaire. C’est le début de la Guerre d’Espagne. Ignacio Abel, architecte aux commandes du chantier de la future université de Madrid, est quelqu’un de progressiste, installé « confortablement » dans sa vie bourgeoise qu’il partage avec sa femme, issue d’une famille catholique de droite, et ses enfants. L’arrivée du conflit, les incertitudes qu’il génère pour tous au quotidien, l’horreur qu’il finira fatalement par véhiculer jusque dans les rues de Madrid, vont pousser Ignacio à émigrer, quitter femme et enfants, en acceptant l’invitation d’une université américaine. Le roman s’ouvre d’ailleurs sur l’arrivée d’Ignacio dans le hall de la gare de Pennsylvanie.
Mais que fuit réellement Ignacio ? Ce conflit qu’il abhorre ? Une guerre dans laquelle il n’a sa place ni d’un côté ni de l’autre ?
Pas que.
Sa vie a été tout autant chamboulée par les événements que par sa relation amoureuse avec Judith, une jeune américaine.
Relation amoureuse passionnelle et sans issue, contexte dramatique, tous les ingrédients d’une grosse meringue sont réunis et pourtant vous avez entre les mains un véritable chef d’œuvre. La construction enchevêtrée de la narration entre le passé, le présent, le conflit, Ignacio et sa femme, ses enfants, ses promesses non tenues, ses remords, sa passion pour Judith, tout est d’une intelligence et d’une crédibilité proprement ahurissantes.
Antonio Munoz Molina ne fait ni un roman historique de guerre, ni un roman d’amour, il écrit une œuvre complète, magistrale, à la fois un cri d’alarme pour nos sociétés actuelles en crise, terreaux pour tous les fanatismes crétins et dangereux, ainsi qu’une vision, cette fois intemporelle, de la vie amoureuse, de ses concessions, ses absurdités, et sa violence non moins destructrice que celle des armes.
Merveilleusement traduit, un monument.
Christophe.
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