Le Seuil
En 2008, en Autriche, l’affaire Josef Frizl éclatait au grand jour : celle d’un père de famille que l’on découvrait coupable de la séquestration d’une de ses filles pendant plus de vingt ans et de certains enfants qu’il lui avait faits. Sordide. Régis Jauffret a décidé d’aborder ce fait divers (quel terme léger pour cette horreur) sous l’angle de la fiction, comme cela se fait pas mal en ce moment avec plus ou moins de « bonheur » (lisez dans deux styles très différents les très réussis Jayne Mansfield 1967 de Liberati, Ce que j’appelle l’oubli de Mauvignier).
Les écueils principaux pour l’auteur étaient le voyeurisme, le pathos, la foire au monstre. Mais Jauffret est un « très bon » (essayez l’autre « monstre » de cet auteur unique : Microfictions), pas question pour lui de tomber dans le piège. Sans nous épargner cependant, ce roman va nous plonger dans ce qu’il y a finalement de plus terrible : le quotidien de ces vingt-quatre années. Tout ne sera pas que viol, violence, ambiance sordide et glauque. Il y aura aussi l’amour, un grand père, sa fille et ses petits-enfants. Ce qui rend encore plus triste et abominable ce crime sans nom.
N’ayez crainte, l’intention de l’auteur est bien à charge contre Frizl, tout en réussissant à ne déshumaniser personne. Ce qui accentue l’effet vertigineux et sordide. Attention : le style de Jauffret est une mécanique de précision. Percutant et douloureux, il est évident que, tant sur la forme que le fond, le lecteur ressort brassé, révolté d’un tel livre.
Comme notre libraire nous l’avait dit à propos du Limonov d’Emmanuel Carrère : « c’est le bon sujet pour le bon auteur« .
Christophe
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